dimanche 26 février 2012

Être un (bon/meilleur) manager


Comment devenir un manager ou comment devenir un bon ou un meilleur manager? C’est la question! Je vais essayer de répondre à cette question en suivant un raisonnement logique et de bon sens, que je vais expliciter en faisant référence à ma pratique de consultant.

Pour être un (bon/meilleur) manager ou pour savoir (comment) être un (bon/meilleur) manager, il faut apprendre. Le management n’étant pas spéculatif, il faut partir de la réalité et de ses faits pour apprendre à être un bon/meilleur manager. L’ennui, c’est que les faits seuls ne permettent pas (toujours) de comprendre et d’expliquer comment fonctionne la réalité. Pendant toute l’histoire de l’humanité, les fruits sont tombés des arbres et les hommes ont pu constater que les fruits tombent des arbres, mais il a fallu un génie comme Newton pour montrer que la chute des fruits vient de la force de gravitation et que celle-ci s’applique aux fruits comme à tous les objets qui se trouvent sur la terre.
En d’autres mots, pour comprendre, il faut une théorie. Une théorie se définit comme un ensemble de propositions (par exemple, des lois en physique) qui, mettant en relation des concepts (par exemple, le concept de masse et le concept de force de gravitation), permettent de comprendre et d’expliquer le monde (ou une partie du monde).
Les « théories » peuvent être très différentes, même quand elle s’adresse à la même réalité. Ainsi, pendant toute l’histoire de l’humanité moins à peu près 300 ans, les êtres humains ont expliqué la chute des fruits comme étant l’œuvre d’un dieu, de plusieurs dieux ou de forces supra-humaines. Fin du XVIIIe siècle, grâce à Newton, on a pu expliquer la chute des fruits comme étant le résultat de phénomènes physiques. On le voit, les deux « théories » sont bien différentes. Dans le premier type d’explication, la théorie est d’ordre religieux; dans la seconde, la théorie appartient au domaine scientifique.
Pour comprendre, il faut également des modèles. Un modèle est une « représentation simplifiée de la réalité ». On arrive à « créer » un modèle grâce à des théories (scientifiques ou autres) ou, plus simplement, grâce à l’expérience, au bons sens ou à toute autre approche. Jusqu’à présent, personne n’a pu comprendre/expliquer la réalité en reprenant tout ce qui se passe et tout ce qui existe dans la réalité, car tout ce qui se passe et tout ce qui existe dans la réalité se compose d’un nombre extrêmement élevé, voire infini, d’éléments. Donc, pour arriver à décrire/comprendre/expliquer la réalité, il faut la simplifier et pour la simplifier, on utilise des modèles. Par exemple, dire que la communication est le fait d’un émetteur, d’un récepteur et d’un message est un modèle; dire que la famille se définit comme un groupe social constitué d’un papa, d’une maman et d’un ou de plusieurs enfants est un modèle; et dire que la matière se présentent de protons, de neutrons et d’électrons (ou d’autres éléments subatomiques) est également un modèle. Ce sont des modèles parce que ni la communication ni la famille ni la matière ne se résument à ce qu’en dit le modèle. En effet, dans une famille, il y a, notamment, de l’amour; dans la communication, il y a, notamment, l’influence du pouvoir et du contexte; et en ce qui concerne la matière (c’est-à-dire les objets matériels), il y a, notamment, des couleurs et des odeurs.

Pourquoi cette digression (épistémologique) sur les théories et les modèles? Simplement pour dire qu’il n’y a pas de connaissance (vraie, juste, pratique, etc.) sans théorie ou sans modèle et que, donc, pour apprendre à être un bon/meilleur manager, il faut donc pouvoir disposer de théories/modèles en management. Pour ce faire, le manager peut avoir recours à des théories et à des modèles que lui-même a inventés (par son expérience) ou il peut utiliser des théories et des modèles qui ont été élaborés par des gens qui se sont spécialisés en management. La différence entre ces deux approches est que, dans le premier cas, le manager pourra s’appuyer sur quelques dizaines d’année d’expérience (les siennes) alors que  dans le second cas, grâce à Internet (moteurs de recherches et bases de données), le manager pourra s’appuyer sur des centaines de milliers, voire des millions, d’années d’expérience (celles des autres)!
C’est pour cette raison qu’en tant que consultant, je donne des formations non pas en proposant mon propre modèle ou le modèle de tel ou tel chercheur ou praticien, mais bien en proposant l’ensemble des modèles qui proviennent de la « littérature ». C’est ce que j’appelle « le niveau un » de la connaissance en management (et, pour le coup, de mes formations).
Est-ce que le niveau un de la connaissance en management permet d’être un bon/meilleur manager? Malheureusement pas. Pourquoi? Pour une raison très simple. Parce qu’il n’existe pas de recettes en management. En effet, il n’existe pas d’outil (de moyens, de méthodes, etc.) qui permette d’être efficace (atteindre des résultats) ou efficient (atteindre des résultats avec moins d’efforts) quelles que soient les circonstances ou qui permette avec certitude d’être efficace ou efficient dans telles ou telles circonstances. Et cela reste vrai quelle que soit la théorie et quel que soit le modèle que l’on utilise directement comme outil ou que l’on utilise indirectement pour construire des outils. Pour le dire plus simplement, s’il existait des recettes en management, cela se saurait! Il suffirait alors de lire un livre ou dix livres (ou x livres) et d’appliquer leurs théories/modèles pour être un bon/meilleur manager. On sait que, dans la pratique, cela ne se passe pas comme cela.
Par expérience, je pense que la plupart des managers sont d’accord sur le fait qu’il n’existe pas de recette en management. Là où les managers sont moins d’accord (toujours par expérience), c’est quand je tire la seule conclusion logique de cette affirmation, à savoir : s’il n’existe pas de recettes en management, c’est que toutes les théories et tous les modèles en management sont parfaitement inutiles! Les théories/modèles peuvent éventuellement être qualifiées « d’intéressantes », « d’intelligentes » ou « de révolutionnaires », mais pas « d’utiles ».
Cette conclusion, apparemment radicale, se justifie facilement. Le manager n’est pas (uniquement) un théoricien, mais un praticien et il est payé pour faire son travail. Si les théories/modèles ne lui permettent pas de bien faire son travail ou de mieux faire son travail, elles sont inutiles. Point. On pourrait rétorquer à cela que les théories/modèles sont parfois utiles. « Oui, mais cette théorie/modèle m’a aidé à être plus efficace », pourrait dire le manager. Cet argument n’est (malheureusement) pas valide. Il ne sert à rien, en effet, qu’une théorie/modèle « marche », si on ne sait pas si elle marchera une deuxième ou une troisième fois. Le management ne peut s’exercer sur le hasard et les managers ne sont pas payés pour faire des choses qui vont peut-être marcher ou qui vont peut-être ne pas marcher.

À ce stade-ci du raisonnement, les managers avec qui je l’ai partagé commencent généralement à être mécontents; pas contre moi (j’espère), mais contre ce qu’ils considèrent être une voie sans issue : « On ne peut raisonnablement pas jeter à la poubelle toutes les théories et tous les modèles en management! ». En effet.
Pour sortir de cette impasse, il suffit d’ajouter une petite précision, mais cette précision change toute la perspective que l’on peut avoir des théories et des modèles en management. Cette précision, là voici : les théories et les modèles sont inutiles en tant que : les théories sont inutiles en tant que théories et les modèles sont inutiles en tant que modèles. En effet, aucune théorie/modèle ne peut donner à un manager une compréhension ou une explication si vraie (juste, pratique, valide, etc.) de sa réalité qu’elle lui permette d’agir à tout coup comme un bon/meilleur manager; de même, aucun modèle en management ne donne une représentation si vraie (juste, pratique, valide, etc.) de la réalité qu’elle permette au manager d’agir à tout coup comme un bon/meilleur manager. Alors, si les théories et les modèles ne sont pas utiles en tant que théories ou en tant que modèles, en quoi les théories et les modèles en management sont-ils utiles? La réponse est maintenant évidente : les théories et les modèles sont utiles comme sources d’informations et seulement comme sources d’informations. Nous voilà ainsi réconciliés avec le bon sens. On ne peut, en effet, prétendre raisonnablement que toutes les idées des théories et des modèles qui sont le fruit de millions d’heures d’expérience, de recherche et de réflexion sont vaines et inutiles. Elles sont utiles, mais pas en tant que théorie et pas en tant que modèle. Une fois que l’on comprend cela, il devient alors évident que « l’utilité » des théories et des modèles ne vient pas des théories et des modèles, mais bien du manager lui-même. Il revient en effet au manager et à lui seul de faire en sorte que les informations qu’il aura retenues lui permettront d’être un bon/meilleur manager? Comment pourra-t-il (devra-t-il) faire cela?

C’est là qu’intervient ce que j’appelle « le niveau deux » de la connaissance en management (qui est, également, le niveau deux de mes formations). C’est le niveau qui permet de comprendre les limites des théories et des modèles. Je m’explique.
Le niveau un est la suite logique du niveau deux. En effet, si les théories/modèles sont utiles comme sources d’informations et s’il n’existe aucune théorie/modèle qui soit utilisable comme recette, c’est que nécessairement ces théories/modèles ont des limites. Par conséquent, le manager doit apprendre à discerner les informations pertinentes des informations non pertinentes dans les théories/modèles. Savoir, pour reprendre l’exemple plus haut, que le modèle émetteur-message-récepteur ne tient pas en compte les dimensions de pouvoir qui existent dans l’environnement ou qui existent entre l’émetteur et le récepteur permet de relativiser ce modèle et donc de mieux le comprendre. Cette meilleure compréhension développe l’apprentissage et, donc, permet d’être un bon/meilleur manager. Mais est-ce que cela est suffisant? Ici encore, la réponse est « malheureusement non ». Pour pouvoir utiliser les connaissances que l’on a des théories/modèles en management et de leurs limites, il faut accéder à ce que j’appelle « le niveau trois » de la formation (ou de la connaissance en management). Le niveau trois apporte la « vraie » connaissance pratique (applicable, efficace, efficiente, valide, valable, etc.) en management. Comment cela se fait-il? En utilisant une approche totalement différente de celle utilisée habituellement dans les théories/modèles en management. J’expliquerai le niveau trois et son importance en management dans un prochain billet.