dimanche 29 avril 2012

Pourquoi les grandes entreprises périclitent et meurent?


Pourquoi les grandes entreprises périclitent et puis meurent? Un tour rapide dans Internet montre que les grandes entreprises voient leur espérance de vie diminuer (15 ans à présent pour les 500 plus grandes entreprises répertoriées par le magazine Fortune) et qu’elles restent de moins en moins longtemps grandes (depuis 25 ans, 8 % sortent chaque année de ce classement, ce qui représente un taux de roulement de 200 %).
Les explications avancées pour expliquer ce phénomène portent habituellement sur le produit (qui n’est plus assez bon), les concurrents (qui, eux, deviennent meilleurs), les dirigeants (qui n’ont pas compris les changements dans le monde et ceux qui sont à faire dans leur entreprise), les syndicats (qui empêchent la flexibilité), les fonds de pension (qui pèsent sur les coûts), l’innovation (qui disparaît), et ainsi de suite.
Logiquement, ces explications ne sont pas valides; en tout cas, pas si on les envisage sur le long terme. Premièrement, ce sont toutes des explications a posteriori, ce qui a peu de valeur. (Tout le monde peut dire que je suis tombé parce que j’ai heurté une pierre après que j’ai heurté une pierre, mais peu de gens pourront me dire 30 secondes, un jour ou un mois avant que je tombe en heurtant une pierre que je vais tomber parce que je vais heurter une pierre.) Deuxièmement, ces explications, qui semblent au fond être de bon sens, il serait logique que les dirigeants eux-mêmes les aient eues. La plupart du temps, en effet, ils semblent assez intelligents (on peut en tout cas le supposer quand on observe leur comportement et qu’on écoute ce qu’ils disent), assez instruits (beaucoup proviennent des grandes universités) et assez expérimentés (ils sont rarement jeunes); en tout cas, ils semblent au moins aussi instruits, intelligents et expérimentés que les gens qui leur expliquent (journalistes, chercheurs, consultants, gurus, etc.) pourquoi leur entreprise a périclité ou a disparu.
Voici la réponse que je propose : les grandes entreprises périclitent ou disparaissent parce qu’elles ne parviennent pas à se réinventer en tant qu’organisation sociale.

[Une entreprise est une organisation sociale qui fournit des services ou produit des produits en échange d’argent pour générer des profits. Sa nature diffère donc clairement d’autres organisations sociales comme la famille (qui n’a normalement pas comme objectif de développer un capital), les ordres religieux et les églises (dont la raison d’être n’est pas d’effectuer un travail), les associations sans but lucratif (dont la finalité, comme l'expression l'indique, n'est pas financière), l’armée (dont la finalité, défendre un pays ou en conquérir un autre, n'est pas d'ordre financier), les syndicats (fondés sur l’idée de défendre les travailleurs et non le capital), les clubs sportifs amateurs (par opposition aux clubs sportifs professionnels qui fonctionnent comme des entreprises privées), les partis politiques (à vocation uniquement politique, pas sociale ou économique), et autres.]

Mon raisonnement est le suivant : il semble être un fait d’expérience que les entreprises ont du mal à changer pour éviter le déclin ou la mort; mais si une entreprise est une organisation sociale et qu’elle a du mal à changer, c’est qu’elle a du mal à changer en tant qu’organisation sociale (puisque c’est une organisation sociale !). De cet argument – qui n’en est pas un puisqu’il est circulaire –, on peut donc en déduire que la cause du déclin ou de la mort des grandes entreprises est essentiellement sociologique. Les explications liées à la finance, au marketing, à l’opérationnel, au produit, à la concurrence, aux dirigeants, aux managers, à l’innovation, à la conjoncture, au secteur, à la situation politique, aux lois, etc., toutes ces  explications n’en sont pas puisqu’elles ne portent pas sur les causes, mais seulement sur les effets. La seule cause ne peut qu’être que sociologique et elle consiste dans le fait que les grandes entreprises ont du mal non pas à changer (ce qui est relativement facile), mais à se changer en tant qu’organisation sociale (ce qui est très difficile).
Si cela est vrai et si chaque entreprise est différente (comme chaque famille, chaque club sportif, chaque organisation sans but lucratif, etc. l’est), cela veut dire qu’avant de changer quoi que ce soit à l’entreprise (sa structure, sa vision, sa gestion financière, son approche marketing, son réseau de distribution, sa taille, et ainsi de suite), il faut comprendre sa nature et son fonctionnement en tant qu’organisation sociale.
On peut maintenant compléter le billet précédent sur la tribu des Kēběkwas en disant : « la raison logico-scientifique de la disparition de la tribu Kēběkwa est qu’elle aurait dû se réinventer en tant qu’organisation sociale ».

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